Premier Festival d'été de Québec 1968

Pendant que le Québec envoie quelques-uns de ses enfants en Europe pour apprendre, comprendre qu’il est temps de s’ouvrir au monde, et de l’amener ici, naît Expo 67.

Plusieurs de nos artistes vivent alors outre-Atlantique. D’autres en reviennent. Les plus jeunes en rêvent. Il suffit d’une rencontre de sept personnes : Diane Lavoie, Constance Paré, Bernard Pelchat, Hélène Savoie, Hélène Trépanier et Michel Viel, avec Louis Ricard, professeur de cinéma fraîchement revenu de France et d’Italie, pour qu’une cristallisation se fasse autour de leurs désirs de création… L’idée d’instaurer un festival pour animer le Vieux-Québec germe. Sous l'impulsion de Louis Ricard, la «folie» prend forme et se transforme aussitôt en nécessité de combler l’immense vide culturel estival qui sévit à Québec à cette époque. Les sept valeureux ambitieux se mettent à la tâche pour rassembler les forces créatrices du milieu culturel et des affaires de la Capitale, et donner vie à ce premier des grands festivals qui ont vu le jour par la suite.

Dans la foulée de ce qui avait été présenté à Montréal l’année précédente, l'objectif affirmé de grande envergure est de présenter à Québec rien de moins que les plus grands de la planète en musique - classique et populaire -, théâtre, danse, opéra, jazz, cinéma, arts visuels, etc.; l'humour comme on le connaît maintenant n'étant pas encore à l'agenda. Les arguments pour convaincre les décideurs et la population tombent comme une évidence, et l'appui médiatique ne se pas fait attendre.

Le «groupe des sept» installe donc ses pénates dans les loges de l'ancien petit théâtre de l'Estoc, au 9 rue Saint-Louis, devenu le cinéma d'art et d'essai Studio 9, pour déménager par la suite dans des locaux gracieusement mis à la disposition de l'organisation par le Palais Montcalm. N'écoutant que l'idée qu'elle a envie de concrétiser et sa confiance en elle-même, malgré un échéancier particulièrement serré, la brigade commence alors un travail colossal de l'ombre pour amener les décideurs à se positionner officiellement. Elle débute ses activités préparatoires dès la fin de l'hiver afin d'élaborer une première manifestation prévue au début de l'été. Comme on peut l'imaginer, tout n'est pas cuit. Il faut penser le menu, préparer les plats et mettre la table pour que ce premier festin culturel estival du genre au Québec, au Canada même, soit une grande réussite.

Après quelques semaines d'un labeur soutenu, une première annonce officielle est livrée : « La situation historique et géographique, l'esprit que renferme le Vieux-Québec, le site, l'intérêt des touristes, tout fait de Québec une ville de festival », comme l'écrit Jean Royer d'une manière très convaincante dans le premier article publié sur le sujet dans L'Action, le 8 mai 1968. Propos repris dès le lendemain par Jean Garon dans Le Soleil, incitant les pouvoirs publics à accorder leur appui financier à cette audacieuse équipe. Le Devoir mentionne les appuis de certains organismes d'importance comme Les Grands Ballets canadiens, le Théâtre lyrique du Québec, la troupe de théâtre Les Gesteux et les Treize de l'Université Laval.

Ce branle-bas de combat commence à faire des vagues et la collaboration d'organismes publics se matérialise, de la Chambre de Commerce de Québec à la Société Radio-Canada en passant par le Séminaire de Québec, l'Union des Artistes et l'Association des Musiciens. La Ville de Québec et le gouvernement du Québec offrent généreusement d'abord des appuis de services et techniques, mettant à la disposition du groupe, des fonctionnaires aguerris comme ceux du Service des Loisirs de la Ville de Québec dirigé par Gilles Lachance, Théo Genest du Palais Montcalm, de même que les Guy Beaulne, Victor Bouchard, Ulric Breton, Yvon Dufour et Yvon Sanche du ministère des Affaires culturelles qui ne ménagent pas leurs efforts pour mener à bien cette aventure jugée quand même un peu folle.

La première ébauche d'une programmation est annoncée le 7 juin, mais tout reste encore dans l'expectative d'une aide financière publique. À la mi-juin, le ministre Jean-Noël Tremblay se montre « très sympathique » à l'idée, afin « de préparer l'animation culturelle du futur Grand Théâtre de Québec et de déterminer la politique culturelle de son ministère pour la région de Québec », comme le relate Jean Royer dans son article du 15 juin. Quelques jours plus tard, la Ville et le Ministère délient les cordons de leurs bourses en accordant respectivement 5 000 $ et 12 000 $ de subsides publics à l'événement naissant.

Mais ce n'est que le 17 juin qu'on rend publiques la programmation officielle et la formation d’un premier conseil d'administration. Jacques McDonald en assumera la présidence peu de temps après.

Le soir du 28 juin 1968, on inaugure enfin cette première édition du Festival d'été de Québec, au Palais Montcalm et à l'Institut canadien puisque la température ne permet pas de présenter les spectacles prévus ce soir-là à l'extérieur dans la Cour du Séminaire, les jardins de l'Hôtel de Ville, à la Place d'Youville, à la Place d'Armes, au Parc des Gouverneurs et au monument de Monseigneur Taschereau. Ses activités se poursuivent jusqu'au 17 juillet avec une fréquentation au-delà des espérances. Plus de 50 spectacles sont présentés dans ces différents sites en 19 jours effervescents. La population est emballée.

Les dés sont lancés et l'histoire démontre la pertinence de la démarche visionnaire de ces «sept jeunes fous». Une vision dont l'évolution consistait alors à développer, au fil des années, chacune des cellules de la manifestation d'origine pour occuper l'espace culturel de la ville du début à la fin de l'été, période où l'essentiel de l'activité artistique ne reposait à l'époque que sur les théâtres d'été. Les différentes administrations du Festival d'été international de Québec ont graduellement défini leurs orientations, délaissant l'aspect généraliste instauré au départ pour se concentrer dans des niches plus spécifiques de programmation. Mais l'activité artistique sait profiter de ses ressources. Sont donc nés depuis, dans la région de Québec dans des entités autonomes, le Festival international du Domaine Forget, la Quinzaine internationale de théâtre et le Carrefour international de théâtre de Québec, le Festival Opéra de Québec, le Festival international de jazz de Québec, le Festival de cinéma de la ville de Québec, la Manif d'art, le Mois Multi, Québec en toutes lettres, l’International des musiques sacrées, les Fêtes de la Nouvelle-France, etc. pour faire de la ville la capitale culturelle mondiale qu'elle est devenue.

Le reste du Québec ne tarde pas à emboîter le pas avec ses innombrables festivals tant urbains que régionaux.

Bernard Pelchat

 avec l’assistance de mes collègues cofondateurs